La grande particularité présentée par l’archéologie des hommes modernes en Europe tient à leur extrême élaboration technologique, à la fois parfaitement adaptée à la steppe froide et entraînant l’humanité dans un rapport tout différent à la nature sauvage. En particulier, l’introduction de matériaux d’origine animale (ramure, os, ivoire) confère aux gestes techniques souplesse et résistance, tandis que le monde des outils en pierre devient inféodé aux nouvelles techniques de propulsion employées pour les armes.
Les sagaies osseuses furent désormais lancées grâce à un bras de levier agissant en mouvement rotatif ("propulseur"). Ces armes lourdes et longues possédaient alors une force d’inertie beaucoup plus considérable qu’un jet à la main, elles permettaient de basculer une proie massive en pleine course (chevaux, bisons, p.ex.). Des équipements de pointes en pierre, très légères et tranchantes, implique aussi l’emploi de l’arc, pour la capture d’animaux fugaces, tels les bouquetins. Très probablement, les différentes "machines" à chasser, dès lors en possession de cette nouvelle humanité, confèrent aussi à son esprit cette conviction de puissance, étendue sur l’ensemble du monde vivant.
Un rapport analogue s’exprime dans les mythes graphiques : les espèces figurées ne correspondent pas à celles consommées, comme si l’emprise mécanique se prolongeait par celle des symboles. Les outillages en pierre cassante ont dès lors subi des chaînes de mise en forme très strictes qui donnaient à leurs supports des proportions précises, en relation avec leur emploi comme armatures de traits. Symétriquement, le travail des matières osseuses requerrait une standardisation des burins de pierre utilisés pour leur mise en forme. En somme, les deux technologies, osseuse et lithique, furent intimement combinées dans des agencements complexes où les colles et les fixations jouaient un grand rôle dans la confection d’outils si élaborés qu’ils permettent aujourd’hui encore d’y lire l’impact des styles, des traditions, des stades et des fonctions. L’histoire de la technologie de l’homme moderne fait partie de son histoire totale.